FIBROMYALGIE, essai

Fibromyalgie, douleurs et fatigue chroniques, sortir du cercle vicieux [ accepter, comprendre, dépasser ]

4e de couverture :

On ne sait rien de cette maladie ou pas grand chose ; on ne sait pas non plus la classer comme une maladie puisque tous les résultats sanguins et examens divers demeurent normaux alors que se déploient toute une palette de douleurs innombrables et des symptômes de fatigue très éprouvants en différentes parties du corps.

En raison de sa complexité et du nombre incalculable de douleurs cristallisées dans le corps, la Fibromyalgie, nommée aussi  « Maladie invisible » ou SPID (Syndrôme Polyalgique Idiopathique Diffus) fait désormais partie des pathologies chroniques. 

Du corps entravé au corps libéré, de l’ombre à la lumière, de la soumission à la liberté, de la solitude subie puis choisie, la réconciliation du corps au fil de ses métamorphoses, les cicatrices qui ne se referment pas, les tremblements intérieurs, les émotions… le but de ce texte a valeur de témoignage mais il s’adresse à tous et se veut un message d’espoir.

Extraits :

[…]

Un jour que j’étais assise en attente d’un bus, après une journée de formation (épuisante pour moi qui pourtant était restée assise toute la journée à écouter et prendre des notes), et au bord du malaise, alors que j’observais les gens aller et venir autour de moi, courir en tout sens, s’interpellant et riant, je me suis sentis à tout juste quarante ans, comme si j’en avais le double. Une image s’est alors forgée dans mon imagination, j’ai vu soudain, ou l’avais-je rêvé ?, un monde complètement à l’arrêt, immobile et obligé de s’asseoir sur un banc ou par terre, contraint comme j’allais l’être, je le sentais de plus en plus, de rester des jours et des jours, allongée et douloureuse, nuit et jour. Ils étaient tous comme moi, silencieux et en attente, immobilisés et comme suspendus dans l’espace, dans un arrêt du temps. Peu après, au détour d’une de mes nombreuses lectures, je tombe sur un livre de Saramago (L’aveuglement, dont on a fait le film Blindness). Dans cette fiction apocalyptique, un homme devient subitement aveugle alors qu’il est à un feu d’arrêt, bloquant toute la circulation derrière lui, à son contact tous ceux qui l’approchent sont contaminés. Un monde entièrement aveugle… les activités s’arrêtaient, les villes et les frontières se fermaient, les quarantaines sauvages s’improvisaient. Car ici, il s’agissait d’une contagion par un virus inconnu (la fibromyalgie ne s’attrape pas par contact certes). Ça vous rappelle quelque chose ? Toutes les pandémies ramènent les mêmes scénarii. Si Saramago voulait montrer par la métaphore de l’aveuglement, la déshumanisation du monde, l’image que j’avais forgée n’était pas punitive bien au contraire. Elle se voulait salvatrice. J’avais envie de leur crier : Arrêtez-vous ! Cessez de courir ! Ou vous deviendrez comme moi bientôt, tous obligés de vous asseoir et de regarder passer le monde. Car n’est-ce pas, c’est bien ce que vit un fibromyalgique ? Il a été stoppé dans sa course et désormais, il regarde les autres vivre. Il a l’impression que le monde s’est arrêté seulement pour lui. Et en prime il souffre d’une fatigue immense et de douleurs incommensurables partout dans tout le corps, jamais les mêmes, parfois toutes en même temps. Dans le meilleur des cas, une après l’autre, il s’allonge, douloureux malgré tout, se croyant victime d’une très mauvaise grippe qui traîne depuis des mois, des années. Pour ma part, j’ai bien été obligée de supporter les douleurs, obligée d’assumer mon rôle de maman de quatre enfants car ce rôle-là on ne peut le laisser derrière la porte. J’avais compris aussi que plus je me rebellais contre elles, plus je souffrais. Et donc, tant qu’il restait un peu de force et de résistance, rien n’était perdu. Cependant, quand la fatigue m’a anéantie progressivement, me plongeant dans des abîmes insondables, je ne me sentais plus exister et je souffrais de n’être pas même capable de m’occuper de mes enfants. J’ai eu beaucoup de chance avec eux car ils ont su devenir des êtres forts et courageux, responsables et ont toujours été raisonnables même si, je dois bien l’avouer, ils ne m’ont fait aucun cadeau dans l’aide que j’en aurais attendue. C’est l’apanage de l’adolescence et puis, nos enfants ne sont pas là pour nous porter, n’est-ce pas, c’est tout l’inverse qui doit être.

[…]

Corps-prison fragile, corps-radeau à la dérive dont l’intimité a été dévoyée, corps perdu, noyé sur une mer de douleurs et de sang, château en ruines, encore debout, beau toujours comme le sont les ruines les moins visitées, les plus à l’écart du monde.

Parler de la maladie, ou du corps te paraît indécent. Pourtant l’indécence est d’actualité, plus encore et pareille, aux yeux du monde et plus que jamais, projetée dans le corps de ceux qu’on abandonne, radeaux à la dérive, perdus en mer et ailleurs.
Ton corps n’est pas même un discours social autorisé que pourtant on demande de justifier, administrativement parlant. Inutile et embarrassant ce corps fragilisé. La maladie est là qui te rend esclave, induit et t’ impose ses propres rythmes.

Depuis toujours, tu savais ne vouloir appartenir à personne. A partir de quand -ce qui vient d’ailleurs, surgissant dans le corps, en a pris le contrôle ?- es-tu devenue ta maladie ? Tu ne dis plus alors j’ai une maladie mais je suis la maladie. Puis tu sursautes et tu refuses de te laisser déposséder. Tu refuses d’être assimilée. Tu luttes, mais plus tu luttes contre elle, plus elle est forte et méchante. Tu ne capitules pas, tu l’appelles, tu l’acceptes, elle n’est pas toi, elle est juste là, à côté de toi. Très tôt, tu as compris que les « autres » seraient indifférents à ce mystère.

Certains « possédés » se suicident, de douleur ou de rage, à force d’être incompris, d’autres errent dans les couloirs des hôpitaux. Dépressifs de n’être pas entendus, d’être pris pour tels quand ils n’aspirent qu’à vivre. Ils partent à la recherche du graal, d’un passe qui leur ouvrira la porte intérieure où se terre la bête immonde. Ils déploient une énergie folle, le peu qui leur reste, à espérer en une future guérison, et s’en remettent à d’autres, dits compétents, un autre corps, le Corps médical. Ce Corps médical qui ne sait rien, ne trouve rien, et parce qu’il ne trouve rien, nie. C’est légitime, ce qui est invisible n’existe pas.

Il transforme ta douleur en un simulacre qui te renvoie à cet imaginaire de ta folie que frôle chaque si longue nuit sans sommeil, à l’imposture, au mensonge, à l’affabulation, terrible sentence qui redouble ta souffrance intérieure.

[…]

Ton corps n’est plus une réalité, il ne t’appartient plus, tu vis à côté de lui sans le regarder. Il change au fil des ans mais toi, tu ne bouges pas. Arrivée au milieu de ta vie, tu regardes tes mains, tu les trouves belles. La forme de tes yeux, le contour de ton visage, les veines apparentes de tes bras, tes jambes qui ne savent plus danser, tout juste te porter.

Tu n’appartiens plus à ce corps, non plus qu’à ce monde et à tes semblables. Tu n’entends que leurs cris, simples piaillements qui remuent les feuilles des arbres ; ces arbres qui, dans leur fixité au sol, leur immuabilité te paraissent exemplaires et frères.Tu n’aspires dès lors, qu’à demeurer dans leur ombre, et à appeler les variations de l’air, du vent, de la lumière, des saisons et des pluies pour prendre racine. Dans l’immobilité placide du silence.

Demeure dans ce corps brisé en mille morceaux, une parole morcelée tout autant, à recomposer et recoudre d’un biais de patience et d’amour.

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