Voilà presque un an, je me lançais dans l’auto-publication (la première) d’un petit essai sur une maladie dont on parle peu et pour cause, on ne lui trouve aucun remède, alors qu’elle est très invalidante au quotidien, et sournoise, nous coupe de toute vie normale, nous oblige au retrait de la société très souvent, nous impose ses rythmes parfois difficiles à gérer avec un quotidien familial ou social.
Le livre a été écrit pendant le premier confinement, et mon intention était bien d’apporter modestement, par mon expérience, une aide à tous ceux qui allaient vivre la privation de liberté du fait de la pandémie de la Covid-19 (on sait combien cette privation est encore délétère depuis un an qu’elle dure et que nous l’expérimentons mondialement). Je n’avais jamais songé parler de ce mal qui me ronge depuis des dizaines d’années. Ecrire ou me répandre sur ce qui est toujours par trop intime, la maladie, n’a jamais été dans mon intention, et l’essentiel de ce que j’écris depuis trente ans, se concentre sur des essais, de la fiction et de la poésie. Pourtant ce livre est né. De la conception graphique de la couverture à son écriture, de la maquette aux corrections, de la mise en ligne (facile, très facile) à la promotion (bien mince pour moi qui ne suis pas douée pour ça…), bref, j’ai tout réalisé avec plaisir et suis très fière de cette aventure et du résultat.
Pendant longtemps, je me suis défendue d’user d’auto-publication et encore plus d’un média comme Amazon pour faire connaître mon travail ayant à coeur de défendre la librairie indépendante. C’est encore une fois cette impulsion qui me caractérise parfois, pas toujours à mon avantage, qui m’a fait choisir de m’auto-publier, pour aller plus vite, à vrai dire. Il est vrai toutefois que mon expérience dans l’édition traditionnelle a été décevante jusqu’à ce jour, pour des raisons nombreuses et différentes. Les premières raisons étant liées à de mauvais choix d’éditions (oui nous aussi auteurs pouvons faire de mauvais choix), mon premier roman, mes deux premiers essais en particulier.
Les dernières malchances sont plus directement liées aux contraintes de la situation économique actuelle : mon dernier roman signé chez Vents d’ailleurs, en septembre 2019, devant paraître au printemps 2020, est prévu pour le printemps prochain… le second tome de mon roman jeunesse prévu pour décembre 2019 puis décembre 2020, ne devrait pas tarder. J’ai hâte.
J’avais fait très peu d’annonces lors de la sortie en avril dernier et malgré mon maigre investissement en matière promotionnelle, n’étant pas vraiment douée pour cela, j’ai eu de très bonnes surprises très rapidement, et j’ai découvert l’extrême facilité à conceptualiser un ouvrage et à le vendre sur Amazon.
Je partage encore quelques extraits, ici et une vidéo que j’avais élaborée lors de son lancement, partagée une seule fois sur facebook.
Sans promotion, il continue de faire son chemin tout seul et j’en suis toujours surprise quand je vois que se vend au moins un ouvrage par jour. Aucun des salons que j’ai fait jusqu’à présent ne m’a permis d’atteindre un tel record : aucune dépense d’énergie supplémentaire à celle fournie au départ, sinon une visibilité. Je n’ai de l’énergie que pour écrire, le reste est au-dessus de mes forces. J’ai fait très peu de salons du livre, quelques rencontres lecture et écriture pour différentes institutions (ça demeure un vrai plaisir) Depuis j’ai compris que pour m’épargner déceptions et pertes d’énergie (que je dois ménager en tout état de cause), je n’avais d’autres choix que d’essayer de trouver des réponses en dehors du système promotionnel classique. J’ai quelques idées…On en reparle.
Pour l’instant voici donc à de nouveaux extraits de Fibromyalgie, « Mon corps est une île », seconde partie :
2e partie : Mon corps est une île
Ce qui suit a été écrit durant les cinq dernières années alors que j’étais encore très souffrante. Cette série de textes métaphorise pour certains de manière poétique mon mal-être pour comprendre la maladie de l’intérieur.
AVANT-PROPOS
Écrire le corps au fil des jours, le corps exposé, surexposé, malmené, nié, toisé, torturé, délivré, rejeté, souffrant, élimé, déposé, évidé, présent, absent, le corps désexué, broyé, éventré, anatomisé, ouvert oui ouvert, offert, replié, déplié, cartographié, radiographié, analysé, mais le corps toujours là.
Comment vit-on la maladie ? Comment la société la nie-t-elle en la jugeant comme une faiblesse, une faille, la rejette, rejetant en même temps le malade jusqu’à son effacement, quand il n’est plus en capacité de lutter comme s’il était le seul responsable de son état. Dans sa posture guerrière, celui-ci pourtant se confronte à un double ennemi, une double injustice, tout ce qu’il met en œuvre pour sortir de sa souffrance dépend de ce que la société elle-même lui a parfois infligé, stress, pollutions, excès : alimentaires, climatologiques, médicaux.
Nombre de maladies dites « émergentes » sont le résultat de notre modernité, elles sont parfois niées (comme c’est le cas pour la fibromyalgie) du fait de l’impuissance des médecins à lui trouver un remède. Ces malades se retrouvent alors dans une errance médicale qui redouble leur souffrance et les fait passer pour des parias de la société.
Le tableau clinique de la fibromyalgie est celui d’une fatigue prégnante et permanente qui ne se résorbe pas, de douleurs chroniques au niveau du squelette et des muscles, des troubles cognitifs. On retrouve parfois des symptômes communs dans la maladie de Lyme, la sclérose en plaques, la spondylarthrite ankylosante, la polyarthrite rhumatoïde, la myofasciite à macrophages… concernant des malades pour lesquels un diagnostic a pu être posé. La fibromyalgie demeure un terme « fourre-tout » pour désigner une maladie invisible (non détectable aux différents examens biologiques) alors que les symptômes demeurent pourtant invasifs. De plus en plus d’articles médicaux attestent de la nuisance de nos vies modernes, hélas peu de reconnaissance encore et beaucoup de mépris envers les personnes touchées par ce syndrome réduit aux termes de « douleurs chroniques », « fatigue chronique »…
Il existe encore peu de réponses, encore moins de traitements mais beaucoup de dénégation.
Écrire sur ce sujet que je connais bien me paraît essentiel car il y a 3 millions de malades diagnostiqués fibromyalgiques en France voire plus1 (sans compter ceux qui sont toujours en errance médicale), qui ont besoin de se sentir soutenus et reconnus. Il y a, à ma connaissance, encore peu de productions littéraires sur le sujet et pourtant, la lecture de témoignages peut aider ces personnes à se sentir moins seules, permettre à certains médecins encore en difficulté d’accéder à une meilleure compréhension de ces troubles pour un meilleur soutien, mais aussi à toute famille curieuse et désireuse de soutenir un proche, un ami, un collègue, et comprendre enfin la société dans laquelle on vit.
Du corps entravé au corps libéré, de l’ombre à la lumière, de la soumission à la liberté, de la solitude subie puis choisie, la réconciliation du corps au fil de ses métamorphoses, les cicatrices qui ne se referment pas, les tremblements intérieurs, les émotions… le but de ce texte a valeur de témoignage mais il s’adresse à tous. D’où l’usage de la deuxième personne pour une meilleure identification. L’alternance avec le « je » pour souligner les failles, la fracture. Chacun ayant ses propres épreuves dont le corps subit les assauts. Dire le corps et ses métamorphoses, ses mystères et son évolution, ses difficultés, ses déploiements, ses accidents mais aussi la part inaliénable que porte l’âme dans ce qui reste encore vivant.
1Difficile de chiffrer car beaucoup ne sont pas diagnostiqués ou peinent à une reconnaissance, mais les chiffres sont entre 3 et 5 % de la population soit entre 2 et 3, 5 millions
…
Extrait du chapitre « Appartenance » in Mon corps est une île (deuxième partie)
Tu observes ton corps. Il est ce creuset où s’est déposée une eau noire et mouvante qui se déplace continuellement, saisit le creux de tes reins, encercle tes hanches, les tient serrées, noueuses, attrape une cheville, un mollet, un genou, remonte encore dans la cuisse, endort tes nerfs quand la paresthésie1 s’installe douloureuse, grinçante, rejoint les bras, les trapèzes. La douleur vrille tes yeux, tes tempes, ta mémoire. Elle se saisit de tes mâchoires, déclenche un réflexe qu’on appelle bruxisme, tes cervicales se révoltent, ton crâne explose. Parfois, tu te relèves, tu t’assois sur le bord de ton lit, et tout est calme, la marée noire tourmente le foie, descend dans l’intestin, dévide son humeur, la nausée exulte, le vertige gagne. Se rallonger est un calvaire.
Sur le socle de la souffrance, l’angoisse fait son lit et redouble les symptômes. Quand tu le comprends, tu trouves de nouvelles armes. Respiration. Ne pas la bloquer, souffler. Inspire-Expire. Cohérence cardiaque, cinq minutes, sophrologie, vingt minutes, ou auto-hypnose et tu restes immobile en attente d’un surgissement du monstre, tu n’oses plus bouger, tes yeux se ferment doucement, tu sens que tu t’endors. Une demie-heure à peine et soudain quelque chose bondit dans la nuit, c’est une main qui attrape et serre ton cou, c’est un bras qui enserre tes cuisses et l’immobilise, des rats qui grignotent tes muqueuses, de la gorge au vagin, tu te dégages, tu tentes de trouver le bouton de la lampe, affolée… Quand la lumière jaillit, ta respiration se remet en place, les rats sont toujours là, tu es assise dans le lit, les coussins remontés, tu ne peux plus te rendormir allongée. Tu continueras ta nuit dans cette position assise. Tu essaieras d’apprivoiser encore la douleur. Tu essaieras de lire, un peu, te rendormiras, un peu, tu liras encore, te rendormiras à nouveau, toujours lumières allumées, jusqu’au petit matin. Cinq heures, l’abandon que le corps réclame se fait à l’aube, la fraîcheur encercle ton lit et te porte sur les rives de l’aube. Dans cet abandon, un souffle amoureux enveloppe ton corps, un répit de courte durée. Ton esprit est en haute vigilance, ton corps suit le réveil, de nouveau douloureux. Les nuits sont longues, longues par trop de fatigue.
La nuit, quand le monde dort, toi, tu veilles. Job sur son lit de souffrance n’abandonne pas sa foi, il s’y cramponne. On a envie de mourir mais cette maladie n’est pas mortelle, dit-on. L’épuisement l’est sûrement. Refuser de se laisser dominer et aller jusqu’à l’épuisement ? Mourir.
Tu es seule dans ton corps, et seule dans ta souffrance. Là où il y a remède, il y a espoir, celui de guérir peut-être ou celui du répit entre deux maux. Cette nuisance impose que tu l’observes mais pas de trop près, que tu l’entendes mais non que tu l’écoutes. Entends que j’existe, dit-elle, oui tu réponds, mais si tu veux que je t’entende, laisse-moi t’oublier un peu, ménage-moi une respiration, ne m’enferme pas dans ta tour brûlée. À cette seule condition, tu me seras supportable et non ennemie.
L’équilibre est précaire. Elle est la seule avec qui l’on puisse dialoguer, la seule à savoir, la seule à dispenser quelque répit. Je suis là, elle dit, je te garde, je te surveille. Avec moi tu ne devras commettre aucun écart, tu devras modérer tes élans, réduire tes gestes, tes actes, tes paroles. Tu n’auras plus d’autre maître, tu m’appartiens.
1Trouble de la sensibilité se traduisant par des sensations de fourmillements ou de brûlures.
…
EN CONCLUSION
2020…L’heure est au confinement ! Et quelle émotion est revenue sans qu’on puisse y faire grand chose ? Une émotion hors de contrôle…La peur ! Peur de ce virus, peur de l’enfermement qui dure, peur de l’avenir, pour nos enfants, nous, la terre, et cette peur de la mort que nos sociétés refoulent. Comment ne pas céder à la peur ? Chaque jour depuis quelques semaines, en suivant les informations venues du monde entier, je me confronte comme vous tous, à ces angoisses et à ces peurs surtout en lisant la presse qui nous matraque d’informations parfois contradictoires, quelquefois non fondées mais toujours hélas réalistes. Et je me surprends désormais, dès que je les ressens ces peurs, à les accepter et à les évacuer aussitôt, en ramenant toujours au présent ce que je vis. Je pense aussi bien sûr et en toute lucidité que notre avenir est plus incertain que jamais. Mais je garde espoir car, à quoi bon m’inquiéter avant l’échéance, sauf à me rendre plus malade…
Est-ce que vous, fibromyalgique, depuis le début de ce confinement imposé, vous avez redoublé vos douleurs, votre fatigue physique et morale, craint pour votre état et avez compris qu’elles sont en lien avec vos peurs, vos angoisses, vos colères ? Vous sentez-vous encore plus douloureux, désemparé.e, incomplet.e ?
Et voyez comme le sort s’acharne, au cas où je n’aurais pas compris et sois reprise d’une fièvre du toujours plus jusqu’à l’épuisement (les hypers actifs connaissent tous ça), alors que je viens tout juste de recouvrer cette capacité de me mouvoir, en ce mois de mars, aux portes du printemps, me voici privée de cette liberté à laquelle je tiens si fort (celle de décider si je sors ou non, par exemple), confinée à cause d’un virus inconnu et dévastateur. Adieu mes rêves de voyage ? Oui tant pis, je continuerai à voyager dans ma tête, dans mes livres. Je me dis que nous avons tant à apprendre et c’est encore la nature qui nous donne des leçons.
Remarquez comme la planète s’est remise à respirer. Les dauphins ont investi une marina en Sardaigne, les poissons sont revenus dans les eaux de Venise à nouveau limpides, la pollution a complètement régressé au-dessus de la Chine. Et maintenant, arrêtez-vous vraiment, asseyez-vous, regardez par la fenêtre, entendez ces oiseaux dans les arbres des parcs voisins, regardez ces nouvelles fleurs qui arrivent avec le printemps, insouciantes du mal tombé sur la terre, ces insectes qui grouillent dans la même insouciance. Nous avons laissé tomber les choses les plus essentielles, et pourtant c’est cela qui sauve.
Pour une fois, nous sommes arrêtés tous ensemble. Pendant une période indéterminée. Ces longues journées à regarder passer le temps, dans l’attente d’une sortie de crise, ressemblent étrangement à celles de nos ancêtres isolés dans leur campagne, ou leur petit village de montagne, ne pouvant parler à personne d’autres que leurs proches, à cette différence près que nous autres pouvons communiquer avec le monde entier via les réseaux, tant qu’ils tiennent le coup. C’est un moment idéal pour apprendre à gérer le stress au lieu de le développer. Certains vont pouvoir réfléchir à la futilité de leur vie, à l’inanité de leurs conditions de travail, d’autres peineront à y retourner. Nous ne ressortirons plus les mêmes de cette crise.
En ces temps de confinement qui voient ressurgir les spectres du stress et de l’angoisse, nous les confinés –contrairement aux équipes soignantes, tous ces courageux auxquels nous rendons hommage, et ceux qui travaillent encore pour que nous puissions continuer à nous alimenter tout simplement– nous allons vivre avec plus ou moins de facilité suivant que nous serons capable de faire face à notre solitude, à la confrontation avec nous-même ou à l’obligation de supporter nos proches H24. Il convient de garder à l’esprit que ce que nous vivons sera un moyen de transformer nos habitudes de vie, de réfléchir sur nos vies pressées, conditionnées, contraintes. Je sais bien que le rapport au temps, à la mort, à la solitude n’est pas le même pour tous et qu’il y a des gens qui sont plus à l’aise avec cette cohabitation que d’autres, que pour certains cette solitude subie sera vécue comme une épreuve difficile. Mais dans chaque épreuve il convient de cesser de lutter, c’est le moment ou jamais.
Ce temps de repli que certains expérimentent réellement pour la première fois (pour d’autres comme tous les malades chroniques depuis plus longtemps), ce temps est un temps qui devrait nous être propice à une introspection sur la vanité de nos vies, un retour sur nos mauvaises habitudes et conditionnements, et nos lâchetés. Devrait… Au moins pour quelques-uns, espérons une majorité.
Ces solutions glanées au fil de mes années d’errance médicale, trouvées et expérimentées au fil du temps, m’ont permis de regagner chaque jour un peu plus de confiance en moi et surtout elles m’ont conduite à la découverte de ce trésor logé au fond de moi et que j’avais ignoré. La compréhension de l’intérieur. Faites tout le contraire de ce que vous avez fait jusqu’à présent. Restez assis dans le silence. Vivez en harmonie avec vous-mêmes, avec votre trésor intérieur. Ne négligez aucune étincelle de bonheur que porte votre émerveillement, pour la nature, pour les êtres qui vous entourent et vous sont chers. Cultivez le calme, la joie pour retrouver cette santé à laquelle vous aspirez. Sortez de l’enfermement dans lesquelles vos peurs vous ont cantonné.e. Oui l’enfermement ! Vous étiez déjà prisonnier ! Vivez au présent.
Organisez le chaos en vous.
C’est par le chaos qui est nous que nous enjamberons le chaos.
…
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