« Quelque chose dans le parfum de l’air ordonne à cette femme : Ferme les yeux et pense au saule. Les pleurs que tu verras seront inexacts. Imagine une épine d’acacia. Rien dans ta pensée ne sera assez pointu. Qu’est-ce qui flotte au-dessus de ta tête à cet instant – maintenant?
Des arbres encore plus loin se joignent au choeur :
Toutes tes façons de nous imaginer – mangroves ensorcelées sur pilotis, la bêche inversée d’un muscadier, les trompes d’éléphant du baja noueux, le missile érigé d’un sal – ne sont jamais qu’amputations. Ton espèce ne nous voit jamais en entier. Vous en manquez la moitié, au moins. Il y en a toujours autant sous terre qu’au-dessus.
C’est ça le problème avec les humains, à la racine de toute. La vie court à leurs côtés, inaperçue. Juste ici, juste à côté. Créant l’humus. Recyclant l’eau. Échangeant des nutriments. Façonnant le climat. Construisant l’atmosphère. Nourrissant, guérissant, abritant plus d’espèces vivantes que les humains ne sauraient en compter.
Un choeur de bois vivant chante aux oreilles de la femme : Si ton esprit était seulement un peu plus vert, nous te noierions de vérité.
Le pin auquel elle s’adosse dit : Écoute. Il faut que tu entendes ça. »
L’Arbre monde – Richard Powers – Editions Cherche Midi, 2018
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