LA GLOIRE DES POUSSIERES, Raymond FARINA, Editions Alcyone, sept 2020
La Gloire des poussières est le dernier recueil de Raymond Farina. On y retrouve la densité d’une poésie dont le lyrisme s’enroule autour de thèmes récurrents dans l’œuvre conséquente du poète.
Ici, ceux de l’enfance, de l’exil et de l’identité mettent en lumière la fragilité de la vie, sa vulnérabilité, son éphémère. Des poussières de vie, de silence, de mots, appliquées à des thématiques plus concrètes et non moins profondes, la guerre, la place du poète, une philosophie du temps qui passe et ne laisse pour traces que des particules de soi dispersées, « ce que l’oubli dépose sur des meubles abstraits, des livres sans regards et des miroirs éteints ».
Attentif à la fragilité des choses et des êtres, le poète interroge la trace, le détail, l’infini, le « triste lento de l’automne » dans le jeu d’une jeune violoniste, « la partition aérienne/ pour [..] deux mains courant, agiles/sur l’ivoire [d’un] clavier », la violence absurde et inutile des hommes et « la peine des pierres » face à l’atrocité de ces derniers, la futilité de leurs actes en temps de guerre. La naissance et la mort, la marche de l’humaine condition sont dans cet ensemble de poèmes un fil conducteur auquel répond le titre La Gloire des poussières. Seule la poussière serait légitime et le désir du poète est de trouver un ange, un vrai « sachant par cœur ses élégies/ses vers que le silence a pris – & ceux qu’il a confiés au vent – certain qu’il peut d’un mot, d’un geste, changer l’orbite d’une étoile / ou le destin d’un personnage/qu’on voit mourir depuis des siècles/ à la fin d’une tragédie ». Seule la poussière dans son infime facilité à se propager finit par s’infiltrer partout y compris, nous précise le poète, dans ses poèmes. « Elles pardonnent sans se forcer, à un passant de l’Infini, « d’épousseter le grand silence/qui s’installe entre les étoiles » ; elles oublient ce que, dans l’or d’un paysage, au seuil de ce recueil, elles ont doucement révélé, avec la complicité d’un bouffon, au vieux Roi arménien, anobli par l’exil : la fragilité des royaumes, la facilité de sa gloire ».
Et pour cela, le poète a raison, lui qui a besoin « d’une ombre à ses côtés », « de solitudes vastes /comme des Sibérie », « de l’oiseau quotidien, de l’affection des arbres », d’invoquer un ange, un vrai « qui croit en lui, qui lui promet deux minutes d’éternité… »
« Au temps où les villes suffoquent,
Où l’hiver s’égare dans l’août,
Où les ponts séparent des hommes
Tandis que les unit la haine,
Il va chercher l’humanité
Dans les confidences des morts. »
In Deux minutes d’éternité,
******
» […]
Que laisses-tu derrière toi
dans l’étroite géométrie
de la chambre d’une saison
où tu as dormi deux secondes ?
Avec l’infini des « pourquoi »,
qui n’ont jamais guéri personne,
le livre que tu n’as pas lu,
l’image d’un pays usé
à force d’être imaginé,
l’icône d’un visage aimé,
laissé dans la beauté natale
[…] »
In Départ de nulle part, La Gloire des poussières, Raymond Farina, Editions Alcyone, sept 2020


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