La reliance par temps de confinement

Les médecins et les psychologues commencent à mesurer les conséquences insoupçonnées que deux mois de confinement ont produites chez leurs patients : angoisses et attaques de panique, dépression, peurs liées à la maladie elle-même, douleur physique, insomnies, y compris chez les enfants. Tous, nous vivons cette période très difficile sans oser nous plaindre surtout quand on n’est pas malade alors que tout est devenu anxiogène.

La maladie du covid-19 et son caractère sournois en plus de nous angoisser, nous isole, nous coupe les uns des autres physiquement. Ce qui redouble le phénomène anxiogène. Pourtant nous avons besoin pour tenir dans ce monde de cette reliance.

Dans cette vidéo, il est question de l’interdépendance de chacun de nous mais pas que…

Une lectrice de mon dernier livre m’envoie aujourd’hui cette vidéo en écho à sa lecture, et en regard de la citation de John Donne qui a insufflé son titre à la deuxième partie de celui-ci : Mon corps est une île (contrepied de John Donne qui dit justement que nous ne sommes pas des îles) ; cette deuxième partie rassemblant des textes sur ces années qui m’ont coupée, séparée du monde, enfermée dans une maladie incomprise et dite « invisible » jusqu’à aujourd’hui encore.

Je retranscris le contenu de la vidéo, texte de Pascale seys

« Les linguistes et les anthropologues ont relevé qu’il existe dans toutes les langues humaines, des concepts pour dire le dépassement de soi, dans l’interdépendance ; pour dire, comme l’écrivait John Donne dans son recueil : Méditations en temps de crise, que nous ne sommes pas des îles et pour rappeler comme l’a fait Virginia Woolf trois cents ans plus tard que nous faisons partie de l’océan, que nous n’en sommes pas extérieurs, que l’océan existe parce que la vague existe et parce qu’une vague est constituée d’une multitude de gouttes d’eau que nous sommes aussi.

Nous sommes aussi les gouttes d’eau de la vague et nous sommes l’océan. Une vision que vient de déprécier la politique lorsqu’elle tourne aveuglément le dos à une certaine conception de l’accueil et de l’appartenance à une terre et à une aventure communes. Deux mots d’origine latine proche phonétiquement de signification contraire témoignent que nous avons toujours le choix entre « hospès » et « hosties », entre l’accueil et l’hostilité, entre l’inclusion et l’exclusion, entre l’embrasement et l’embrassement.

Il y a plusieurs années, le philosophe et théologien spécialiste du bouddhisme, Raymond Panikar avait raconté l’histoire suivante à l’essayiste Christiane Singer :

« Un américain en poste en Afrique australe désireux d’occuper des enfants en leur proposant un jeu suggère de faire la course avec, pour le premier arrivé au bout de l’épreuve, une récompense comme il se doit. Les enfants s’élancèrent un à un vers la ligne d’arrivée, ils coururent de toute la force de leurs jambes et à la surprise générale lorsqu’ils approchèrent de la ligne d’arrivée, quelque chose d’extraordinaire se produisit. Les enfants ouvrirent grands leurs bras et se saisirent les mains et dans une grande chaîne solidaire et « dans un vent de poussière d’or » écrit Singer, ils coururent ensemble et franchirent ensemble la ligne d’arrivée. Il n’y eut pas de premier, pas de dernier. Aucun vainqueur, aucun perdant, l’esprit de compétition inscrite au cœur du sport était pulvérisé. Lorsqu’on interrogea les enfants sur leurs gestes, pour vérifier s’ils avaient bien compris la règle du jeu, ils invoquèrent un concept, une notion en usage dans les langues bantoues qui se dit : « UBUNTU »

Le terme a été employé par le prix Nobel de la paix Nelson Mandela et par Desmond Tutu pour désigner une notion parente, dans nos langues à celle de fraternité et d’humanité pour désigner que nos destins qu’il nous en coûte de les envisager ainsi, sont inextricablement liés et que cette co-appartenance à un monde commun constitue la seule manière de penser, ce qu’il y a de plus grand en nous que nous-mêmes.

Dans la culture Xhosa et dans les langues bantoues « Ubuntu » est résumé par le dicton :

« Je suis parce que nous sommes, et puisque nous sommes, je suis » Et vous, qu’en pensez-vous ? »

Et voici deux extraits de mon livre Fibromyalgie, Douleurs et fatigue chronique :

[…]

Les maladies chroniques isolent beaucoup, coupent de toute vie sociale, surtout quand elles s’installent des semaines, des mois, des années. Mais tant que demeure un contact avec les proches, rien n’est perdu ; ce n’est hélas pas toujours le cas. Nous avons besoin de ce contact pour ne pas nous sentir exclus, interdits, séparés du monde. À cette heure du confinement généralisé à cause du Covid-19, je pense à tous les malades chroniques qui, en plus de souffrir, même s’ils ne mourront pas de fibromyalgie, mourront un peu plus à eux-mêmes dans cette grande solitude qui les maintient en dehors d’eux-mêmes, retenus dans leurs peurs.

[…]

Aucun homme n’est une île, a écrit John Donne, j’ai pourtant intitulé la deuxième partie de cet ouvrage : Mon corps est une île , car il s’agissait bien dans ce texte de parler du corps, ce corps souffrant, coupé de lui-même donc coupé du monde, relégué par la société qui ne cautionne pas sa faiblesse. Les jours, semaines (je n’ose, à cette heure, dire « mois ») de confinement auxquels nous allons être confrontés vont plonger les plus fragiles dans des questions abyssales ; la santé mentale et physique de certains si peu habitués à se poser risque de s’altérer. Seuls ceux qui ne céderont pas à la peur pourront plus tard constater combien cette épreuve aura été importante pour leur évolution. Cette crise montre que nos vies ne sont pas séparées, nous sommes interconnectés et nous avons besoin les uns des autres, nous avons besoin du contact, de nous regarder, nous frôler, nous toucher. Mon corps était une île, tant qu’il était en souffrance, séparé des autres.

[…]

vidéo sur ma page facebook : le texte de Pascale Seys

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