L’étoile Absinthe
Jacques Stephen Alexis
Editions Zulma, 2017
Dans ce roman inédit, demeuré incomplet, où manquent quelques mots dans la première page, qui ne comprend que trois chapitres, et enfin disponible, on retrouve l’héroïne brûlante de l’Espace d’un cillement, Nina Estrellita dans la deuxième partie de sa vie, après avoir quitté son grand amour El Caucho, le magnifique géant courageux défenseur des plus déshérités du roman-poème des cinq sens du chef-d’oeuvre de Jacques Stephen Alexis. La revoilà donc dans une fugue solitaire ou plutôt un retour à elle-même, en femme téméraire bien décidée à vivre et à exister par elle-même, « petite pelote d’électricité vivante », «Eglantine retrouvée qu’une dérobade – fuite et refuite -, qu’une panique d’amour fait brasiller, éblouie, chaleureuse, vers un ailleurs dont elle attend de grandes eaux purificatrices. »
Sa rencontre avec Célie va l’entraîner dans une aventure en haute mer sur le voilier le « Dieu-Premier » où elle sera mise au défi des vents et de la tempête, une tempête dont la violence des éléments n’est pas sans rappeler celle du régime Duvalier. Une violence jusque dans la langue d’une beauté fulgurante comme peut l’être la littérature caribéenne, une langue brassée d’apocalypse où s’entrechoquent les images, les sens, où tout est amplifié, démesuré.
« Au noir vitreux des heures, la lente cycloïde du temps fait onduler l’Eglantine convulsivement agrippée aux grelins du grand mât. Amère délice de saint Sébastien, cette agonie procure une macabre volupté dernière, le vent a pour guitare un cercueil d’harmonie et le gréement grelotte et grince sous la grêle. »
La richesse de la langue, son fourmillement, sa fulgurance, la densité de ses personnages, leur profondeur, leur singularité, tout dans ce roman inachevé révèle cette liberté tant recherchée, tant au niveau linguistique que social.
Il faut lire et relire Jacques Stephen Alexis, militant engagé dans les causes révolutionnaires pour la défense des plus défavorisées, au péril de sa vie puisqu’il a probablement été assassiné par les sbires de Duvalier, et dont l’oeuvre mal comprise durant sa courte vie est probablement tout aussi révolutionnaire que son combat.
Jacques-Stephen Alexis (1922-1961), éminent neurologue, journaliste, écrivain et engagé en politique dans la lutte contre Duvalier, capturé, torturé et porté disparu, a probablement été assassiné.
paru précédemment ici : La Cause Littéraire
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