De terre, de mer, d’amour et de feu,
Marc Alexandre Oho Bambe
Editions Mémoire d’encrier-2017
De terre, de mer, d’amour et de feu, de Marc Alexandre Oho Bambe dit Capitaine Alexandre (en redevance à René Char) paru aux Editions Mémoire d’encrier retrace un parcours de Douala jusqu’en Haïti, dans un périple amoureux, pour la vie, la terre, la poésie-monde-créole et les rêves que porte ce dandy slameur. « Nos cœurs écorces de peine/Interrogent/L’Afrique/La Caraïbe/Le Tout-Monde/Qui coulent dans nos veines. » Le titre contient les éléments eau, terre, feu et l’amour pour symbole de l’air ; comme lui, volatile et fragile, puissant et aérien et comme l’auteur lui-même dans ses envolées enthousiasmantes, lui qui parcourt le monde et le tient dans ses bras, sur son cœur gros d’orage, de feu et sel, d’amour et d’espérance.
« J’ai embrassé Port-au-Prince /Comme on embrasse un premier amour » écrit-il en ouverture, et ce feu qui coule dans ses veines est présent dès le premier poème, « J’ai embrassé Port-au-Prince/Et me suis embrasé au contact de ses lèvres/ Je brûle en corps. » Périple en trois jours et trois nuits « Je tremble/De terre/De mer/D’amour/Et de feu » pour Port-au-Prince.
Les villes envoûtantes de Port-au-Prince à Douala, se confondent animées du même brasier de la mémoire, d’une même humanité fervente. Il est là, en Haïti, le poète, pour faire parler sa mémoire, la ramener de l’exil , « réapprendre à vivre », rassembler les mots et leur histoire « cousue d’ombre et de lumière », ici pour vivre, ici pour mourir un peu aussi et dans une ultime résurrection porter ce que seule l’écriture saura réinventer. On se laisse nous, lecteurs, emporter par les vents et « l’essence du monde », on se laisse traverser « Par tous les vents/Tous les temps/Tous les champs ». Né par « Césairienne », il sait qui il est, homme noir, indigène et dandy, « Nègre/Noir/Humain/Digne/Et fier/Comme la parole/De Césaire /Poudrière/ Feu. » Traversé de souvenirs par ses amours adolescentes, faites d’eau et de sel, de pluie et d’encre, le voici arrivé à Jacmel. « Ville-poème » où « Jean Métellus et Felix Morisseau Leroy/Conversent et boivent ensemble/Quelques vers /De lumière bleue/Et de soleil vert couchant ». Sa poésie s’abrite à l’ombre des étoiles « au carrefour du silence et de la parole », elle est la « fièvre salutaire » du poète, sa chance, son bonheur, son risque. « Ma poésie est née à Douala, pas si loin/La-bas, au Sud./ Au Sud de mon coeur », ce cœur, balafon vivant.
A quoi croit-il ce poète ? Il croit « à la fraternité rieuse », « à la tendresse des tempêtes », « à la nuit qui tombe, sensuelle ». Il appelle chacun de nous, à se souvenir de la vie, du bonheur et des « jolies choses », à puiser en elles pour « résister à la violence et au cynisme », pour ne jamais céder à la confiscation de nos mots et de nos actes d’amour. A force de souvenirs et d’espoir, les mots trouvent leur place juste, « je suis partout et nulle part à la fois, enfant noir et homme de (la) couleur du monde ». Ecrire encore et encore, et alors le slam, la poésie ?… « je ne suis pas plus poète que slameur, je suis vivant ».
Quelques pages consacrées à Frankétienne occupent également ce recueil, pour dire sa redevance à ce « premier choc violent » qu’a été le « sphinx des lettres haïtiennes », ce poète « de folie et de feu », « métisseur de liens, maître à penser à écrire et à vivre en zigzags ». Frankétienne vivant toujours, aussi vibrant que Césaire, Gibran ou Glissant.
La dernière partie est consacrée à un ensemble de poèmes intitulé « Nou là ! », une interjection pour appeler frères semblables, dandys de grand chemin , voyageurs sans visas , filles et fils de joies, sœurs et frères en peines, fatigués fatigués de l’usage du monde que font pour eux les politicards et les puissants. « Nou là ! » appel à l’insurrection, mais appel à se hisser du côté de la vie, « nou là » « prêts à mourir/Ou à vivre enfin », « embrassant nos destins et nos chemins incertains »
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« Des bords du lac Tanganyka aux berges du Wouri de nos mémoires, du pays des Mornes aux rivières salées de Guyane et d’Ayiti, souffle poésie, souffle !
Souffle, et témoigne de notre présence sublime sur cette terre de joies et de larmes.
Souffle poésie, souffle et insuffle, inspire, restitue la vie qui se tue dans les ruelles nos villes cruelles, au Nord, à l’Est, à l’Ouest et au Sud de l’Eden.
Souffle poésie, souffle des mots qui donnent, cœur au corps de la parole essence qui remplit l’existence de sens.
Souffle, poésie souffle, pour délier les langues, lier les âmes, les femmes et les hommes, défier les ombres et la nuit, tailler des flûtes de promesses dans le sourire des enfants, le sourire des enfants, le sourire des enfants…
Souffle, poésie souffle, et emporte tout sur ton passage, souffle, houleuse comme la mer, droite comme la voile vent debout, debout comme une phrase de Césaire exhortant à se garder de rester « les bras croisés en l’attitude stérile du spectateur…. »
Souffle poésie, souffle..
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Marc Alexandre Oho Bambe dit Capitaine Alexandre est né le 14 août 1976 à Douala au Cameroun.
Slameur, dandy de grand chemin, il est l’une des grandes voix du slam contemporain en France . Il met en scène et en bouche sa parole.
Lauréat de plusieurs prix de poésie, dont le Prix FETKANN MARYSE CONDE de Poésie (Mémoires des Pays du Sud, Mémoire de l’Humanité) en 2014 et le Prix PAUL VERLAINE de Poésie de l’Académie Française en 2015 pour Le Chant des possibles aux éditions La Cheminante.
Précédemment en 2009 ADN (Afriques Diaspora Négritude), hommage à Aimé Césaire et au Cameroun dans son engagement pour le continent Africain.
Vient de paraître aux Editions Sabine Wespieser « Diên Biên Phu », 2018
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