XXI
Si je pouvais croquer la terre entière
et lui trouver une saveur
je serais un instant plus heureux…
Mais je ne cherche pas toujours à être heureux.
Il faut être de temps en temps malheureux
pour pouvoir être naturel…
Il n’y a pas que des jours de soleil,
et la pluie, quand elle manque trop, on la réclame ;
c’est pourquoi je prends malheur et bonheur
naturellement, comme celui que n’étonnent pas
les montagnes et les plaines
les roches et l’herbe…
Ce qu’il faut c’est être naturel et calme
dans le bonheur et le malheur,
sentir comme on regarde,
penser comme on marche,
et, au bord de mourir, se souvenir que le jour meurt,
et que le couchant est beau,
et que belle est la nuit qui demeure…
Il en est ainsi et qu’il en soit ainsi…
Fernando Pessoa, Le Gardeur de troupeaux, poèmes d’Alberto Caeiro, traduit du portugais par Rémy Hourcade et Jean-Louis Giovannoni, Editions Unes
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