RUINES, Perrine Le Querrec, Tinbad Poésie

RUINES,Ruines

Perrine Le Querrec

Postface de Manuel Anceau

Tinbad Poésie, 2017

61 p.

Publié aux Editions Tinbad Poésie, Ruines est le livre du plein et du vide, du trop et du manque, un livre à la chimie échappée du réel et du rêve. D’une poésie qui ne se veut telle, il n’est pas non plus récit, mais plutôt cri, galop de mots pour dire la passion amoureuse destructrice faite de sang et d’encre entre deux êtres. Un texte qui s’empare de l’espace, entre caviardage et biffure pour lancer les mots et les maux de ces deux créateurs aux oeuvres puissantes, dérangeantes, Hans Bellmer et Unica Zürn -l’un était photographe, l’autre, artiste et écrivain- pris dans les tourments de leur siècle et leur magnétisme obsessionnel.

Format télégramme donc comme le rappelle Manuel Anceau dans sa postface, pour ce court texte d’une extrême densité émotionnelle et juste. Perrine Le Querrec ayant longtemps fréquenté les œuvres et la biographie de ces deux êtres, a précisé elle-même avoir eu l’idée de ce texte après une visite au cimetière du Père-Lachaise où Hans Bellmer a fait graver cette plaque : «  mon amour te suivra dans l’éternité ».

Perrine Le Querrec dans sa note d’intention précise qu’elle écrit par la voix d’Unica, une voix qui sourd de la souffrance et du désordre dans laquelle la psychose l’a jetée.

« J’écris concis, portée par la fragilité d’Unica, forcée par le respect de ces personnalités balayées par de trop grands vents »

Fragile, solitaire, mutique, « comme la phrase jetée » au milieu du naufrage de ce monde fait de violence et de crimes (guerre, nazisme, viol) ; enfant perdue Unica, unique au miroir de Hans et de leur passion, jouet d’amour aux « voiles noirs » « aux armes blanches ».

Hans et Unica l’un et l’autre imbriqués ensemble, elle poupée écartelée, « des jambes de tulle froissé sur un canapé noir », lui tentant de l’extraire de ce corps de souffrance. « Elle serait comme une enfant échouée ».

Passion lancinante, corps labyrinthes soustraits jusque dans l’oblitération des mots sur la page que Perrine Le Querrec noircit comme ceux-là ont noirci l’âme d’Unica piégée dans sa passion ravageuse. Folie, Ste Anne, Salpétrière, psychiatrie, « états psychotiques chroniques », chimiothérapie, schizophrénie, psychose hallucinatoire… Le corps  d’Unica dans sa camisole chimique  que Hans qui n’est pas jardinier « jamais ne désherbe ».

Ensorcelée, Unica, par ce « Maître de cérémonie » qui joue, attache, sangle, immobilise, capture l’âme et le corps d’Unica.

« Hans supplie », continue sans elle, expose, imprime pour elle, pour sa renommée. Unica folle de son  « homme jasmin » voudrait retourner à elle, trouver refuge ailleurs qu’en lui. Oublier, tout oublier et recommencer, travailler seule… Il l’aime, elle se perd, quand elle retourne à elle-même, il la perd.

Par ce magnétisme destructeur, les deux artistes sont broyés, l’une trop sensible, l’autre trop fragile ou l’inverse ou les deux, dépendants l’un de l’autre et chacun, des médicaments pour elle, de l’alcool pour l’autre. Hans ne peut pas la lâcher, il a besoin d’elle, il a besoin de « continuer, dominer, énoncer, élever, conseiller, tenir le crayon, dérouler la bobine, nouer les fils, écarter les fesses, entrer dans la tête, fermer les rideaux »

Destruction réciproque. Elle deviendra vieille femme brodée, folle, malade, lui hémiplégique, « côté droit épargné », continuera à dessiner. Unica se jettera par la fenêtre du 6e étage.

Hans et Unica, «  dix-sept années de destin liés ».

*****

Perrine Le Querrec est née en 1968 à Paris, où elle vit, travaille et écrit, sur les planchers et dans les caves, les maisons closes et les asiles. Elle publie de la poésie, des romans, des pamphlets, et étudie les archives du mone pour consolider sa vie.

 

Ruines Perrine Le Querrec

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