[…] Le TGV roule depuis plusieurs heures dans une chaleur lourde de juillet. Elle pose son livre et se dirige vers le wagon de restauration. Il la suit.
— cette chaleur… elle dit, comme pour elle, enserrant prestement et d’une main ferme le rouleau de ses cheveux blonds au sommet de sa tête, dégageant une nuque blanche. De ses doigts tremblants, elle dégrafe le haut de son corsage. Dans le sas entre les deux wagons, il lui tend son paquet de cigarettes puis en allume une. Approchant le briquet de son visage, il croise son regard. Elle repousse sa main qui s’est glissée dans son corsage.
— Il est tard, tu ne dors pas ?
Elle lève les yeux vers lui. Son visage se ferme, son regard s’obscurcit, interroge anxieux.
— On est bientôt arrivés ?
— Oui… mais…
La voix de l’homme se perd dans l’accélération du train passant sous un tunnel. Il l’attrape par la taille. Elle pousse un cri.
— Laisse-moi tranquille.
—…dis-moi encore, je veux savoir…
— Laisse-moi je te dis, il est trop tard, elle dit dans un souffle.
— C’était pas la première fois, hein ?
— Tais-toi, tu sais pas de quoi tu parles.
— Je sais.
Elle avait des crises, oui, c’était de la peur.
— J’imagine…
—Tu vois, tu sais rien, tu peux pas savoir…
— … Tu sais pas grand chose non plus.
— Comment tu peux dire ça ?
— Ce sont peut-être des souvenirs fabriqués.
—… je me souviens, je te dis… je me souviens de tout ! De ses mains glacées…
— Ce n’est pas un souvenir, ça.
— … de ces mains crispées sur mon cou, de ses ongles sur ma peau…
— Juste des sensations … … tu ne sais rien …
—…le froid, l’enfer des crises, les mains brûlantes sur la peau, les ongles pointus qui déchirent les joues, les cris jaillis de sa bouche tordue, et puis, c’est presque tout, le reste…
—…des caprices…
—…
Elle secoue la tête, une moue boudeuse se dessine sur son visage.
—… Tu vois, tu l’es toujours, capricieuse… non ?
Il bloque la sortie du wagon, elle essaie de passer. Il la tient serrée contre elle.
—Tu…
—Tais-toi, s’il te plaît, tais-toi.
Il l’embrasse, elle n’oppose plus de résistance.
Le train ralentit, ils retournent à leur place, récupèrent leurs affaires, descendent du train. L’air est moite, on sent le souffle chaud de la terre. Un vent léger emporte les nuages blancs qui font comme de l’écume très haut dans le ciel. Le soleil se lèvera bientôt. Sur d’autres silences, d’autres rêves.
La première scène, prégnante, éphémère. Elle, endormie, paisible sur sa poitrine comme une enfant tirée des flots. Lui, un bras autour de son cou, dans un geste de protection ou… de possession ultime.[…]
(extrait d’un roman en cours d’écriture)
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