un recueil collectif dont les bénéfices de la vente seront entièrement versés à l’association Action Froid – parution 18 mai 2016 –
DEHORS, recueil sans abri, initié par
Christophe Bregaint et Eléonore James, c’est une anthologie avec à son sommaire une centaine d’auteurs
Désormais disponible aux Editions JANUS.
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Monde aseptisé où rien ne bouge-
seuls les nuages, moins arides que le temps
s’élancent au ciel des trembles –
pour combien de jours ?
-dans cet acier tremblant,
sous l’aile du vent,
tu vas encore, sous l’œil spectral des gardiens du temple,
griffant tes mains
aux buissons d’aubépines,
te liant aux murmures des pierres,
te soudant à la terre fertile.
Etranger à la folie des hommes, reclus dans ton monde intérieur,
tu attends.
Là, sous les arbres, dans l’oubli d’une eau trop pure,
Un parfum de damnation
pèse sur ce théâtre mouvant
C’est un soir de décembre et c’est pas encore l’hiver – le ciel a sa couleur bleu sombre des jours sans soleil, un bleu profond qui vous prend par les épaules et vous accompagne, léger, dans les rues de la ville.
Tu es assis à l’angle de la rue, ta jeune chienne à tes côtés, ou sur l’esplanade, entouré de tes compagnons de rue, jamais les mêmes, des garçons, très souvent, une jeune fille blonde aux yeux clairs, dreadlocks et joints de cigarette roulée entre ses doigts tremblants aux ongles fragiles cernés de noirs, coudes posés sur son jean trop large, accroupie dans son pull pastel sale, trop lourd pour elle.Elle est jeune, très jeune, en rupture familiale, c’est auprès de toi qu’elle vient trouver du réconfort.
Tu es connu de tous. Ceux qui passent, à tour de rôle restent un long moment avec toi. Tu as ce regard qui pétille, ce sourire inégalable malgré ta bouche édentée de garçon déjà vieux, mais où sont tes années ?
Et puis la gentillesse -quand le vin ne t’a pas trop tourné la tête, de ces jours où tout est dur, où les autres te font mal. Les autres ce sont ceux-là même de la rue, qui te font des crasses, qui jalousent ton nouveau squatt, qui font des misères à ta chienne (c’est arrivé plusieurs fois). Deux fois, on te l’a volée, juste comme ça « parce que les gens sont méchants, parce qu’ils sont cons aussi ». Tu l’as retrouvée chaque fois dans un sale état.
« C’est pas facile la vie, tu dis, mais regarde, princesse (c’est comme ça que tu m’appelles), regarde, tu dis, comme il fait bleu, il fait beau, il fait doux, et on est en décembre pourtant ».
Un jour, l’hiver pourtant a été là. Le froid a pris d’abord tes pieds, tu marchais dans les rues avec des cannes, tu refusais d’entendre que c’était grave. Et puis ça a gagné tes jambes. Ils t’ont emmené à l’hôpital. Tu étais au chaud mais tu es ressorti sans elles, ils t’ont pris les deux jusqu’aux genoux.
Fauteuil, logement, pension d’invalidité ont remplacé RSA et squatts.
Mais rien n’a changé, chaque jour tu es là, tu fais la manche, tu en as besoin, tu dis.
« Qu’est-ce que je fais sans vous tous, moi sinon ». Je vais pas rester enfermé ? Je viens là et j’attends, je t’attends ma belle. Tu peux m’apporter encore des livres, j’ai déjà tout lu deux fois. »
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